« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le vivre » disait winston Churchill, c’est le cas du Congo Brazzaville où l’endettement est devenu le sport favoris de Denis Sassou Nguesso.
En effet à la suite de l’assassinat du chef de l’État, Marien Ngouabi, en 1977, la succession est assurée par un « Comité militaire du parti » présidé par Jacques Yhombi Opango. Sassou en est le numéro deux. En février 1979, il s’empare de la présidence du comité. Il opère alors un rapprochement avec Paris dont il obtient un soutien financier que l’U.R.S.S. ne peut pas fournir.
De cette époque datent ses bonnes relations avec Elf-Aquitaine, l’opérateur principal du pétrole congolais. Cependant, à partir de 1985, le fléchissement des revenus pétroliers entraîne le blocage des capacités de redistribution de l’État. Fragilisé, Sassou parvient à maintenir son influence grâce à sa présence sur la scène internationale. Il assure la présidence de l’Organisation de l’unité africaine en 1986-1987.
Le Congo n’a pas échappé à la générosité créancière du système financier international des années 1970-1980. Bien au contraire : malgré la hausse vertigineuse des taux d’intérêts, l’Etat congolais a fait preuve de frénésie débitrice au début des années 1980, dopé par le deuxième choc pétrolier. Il s’est ainsi retrouvé avec une dette d’au moins 1.500 milliards FCFA au milieu des années 1980, contre 150 milliards en 1979 et 270 milliards en 1980. Ce qui l’a contraint, au lendemain du contre-choc pétrolier, à recourir à l’Ajustement structurel en 1985.
Pour le peuple congolais, c’est le début de la descente aux enfers, en matière d’emploi, d’éducation, de santé, de pouvoir d’achat..Depuis bientôt vingt ans, l’Etat congolais effectue son parcours du combattant très endetté : d’Ajustement structurel en Ajustement structurel renforcé, de rééchelonnement de la dette en Menu de Naples ou de Milan, de Programme d’Assistance Post-Conflit en espoir de Facilité pour la Réduction de la pauvreté et la Croissance. Sans pour autant que la situation s’améliore : 60 % de l’encours sont constitués d’arriérés.
Alors qu’au moins 40% du budget sont consacrés annuellement au service de la dette. En cette année 2004, 322,6 milliards FCFA, sur un budget de 882 milliards, vont être consacrés au service de la dette publique extérieure
.En effet, le Congo semblerait en mesure d’honorer ses créances s’il était fait bon usage de ses ressources naturelles en général, pétrolières en particulier. Mais celles-ci ont été, jusqu’à présent, plutôt source des malheurs du peuple congolais. Démonstrations, preuves, aveux ont été faits sur les liens entre l’endettement, les guerres, la paupérisation et l’emprise du principal opérateur pétrolier, Elf (devenu Total), sur le Congo.
Un système de pillage bénéfique aussi bien à l’entreprise pétrolière, publique puis privée, à ses dirigeants, qu’aux dirigeants congolais, pendant trois décennies, sous forme de contrat de concession – puis de partage de production – léonin, de falsification des chiffres de la production – à la discrétion exclusive du partenaire français de la joint-venture congolo-française Elf-Congo -, de corruption (« bonus » et « abonnements » qui, contrairement à l’impression produite par le délit évoqué d’« abus de biens sociaux » lors du « procès Elf », ne relèvent pas de la richesse française mais de la part de la production volée, qui aurait dû revenir au Trésor public congolais dans le cas d’un partenariat honnête), de préfinancements, d’arnaques, de co-actionnariat obscur (banque FIBA…). Ou encore sous forme de financement des achats d’armes des deux factions belligérantes…
Ainsi, c’est le Congo qui est aujourd’hui considéré comme débiteur de Total. Par conséquent, à l’issue d’un cycle guerrier sponsorisé par Elf, le gouvernement congolais a conclu, au titre du remboursement de la dette gagée sur le pétrole, évaluée en 2001 à 500 millions de dollars, l’acquisition journalière, par TotalFinaElf et Agip, de 50.000 barils, sur la part congolaise de la production. Le Congo étant encore débiteur de 197 millions de dollars, Total lui a fait, en septembre 2003, la « faveur » d’un rééchelonnement échéant en 2010, mais payable 280 millions.
Le gouvernement congolais venait de faire adopter par le Parlement, à la demande de Total, entre autres, une loi révisant à la baisse la part congolaise du régime de partage de production. Par la suite, début 2004, le gouvernement congolais a encore bradé à Total un nouveau gisement, en échange d’un préfinancement. Alourdissement évident d’une dette déjà quotidiennement insupportable pour l’écrasante majorité de la population, qui n’en a retiré aucun bénéfice. Bien au contraire, puisqu’elle a dû subir l’irréparable : la mort de dizaines de milliers de personnes au cours des guerres motivées par le pétrole.
La conditionnalité de la gestion transparente du secteur pétrolier, posée par les Institutions de Bretton Woods serait applaudie si, d’une part, elle n’avait pour finalité le contrôle des recettes en vue du remboursement des « créances » et, d’autre part, si les exigences de transparence concernaient aussi bien la Société nationale des Pétroles du Congo (SNPC) – entreprise d’Etat considérée de facto comme hors du contrôle du gouvernement – que les multinationales pétrolières opérant au Congo, rétives à quelque audit de leurs activités que ce soit. L’audit d’Elf-Congo et Agip-Recherches Congo, recommandé par la Conférence nationale souveraine du Congo,
En 1991, a été boycotté par les multinationales, jusqu’à la tentative de coup d’Etat en 1992, reconnue par les inculpés du « procès Elf », pour « abus de biens sociaux ». Un semi-aveu de falsification prolongée des chiffres d’exploitation. L’audit d’au moins une décennie d’exploitation pétrolière, indésirable pour ces multinationales, pourrait faire de certains créanciers des débiteurs.
Pour une gestion vraiment transparente du secteur pétrolier, bénéfique pour le Congo, les Institutions de Bretton Woods devraient :
– aider le Trésor public congolais à récupérer les 500 millions de dollars de manque à gagner, relatif au passage du contrat de concession au contrat de partage, et à la vente des parts congolaises d’Elf-Congo à Elf Aquitaine.
Après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative Pays Pauvre très endetté (PPTE) e5n 2006,le Congo récidive dans la politique d’endettement tout azimut auprès de la Chine avec la Délégation des Grands travaux. En 2003, la réalisation du barrage hydroélectrique d’Imboulou 280 millions de dollars US , en 2007 la réalisation de la route Brazzaville-Pointe-Noire et le terminal aéroport de Brazzaville, 1700 millions de dollars US (prêts concesionnels Eximbank China).
En 2008, les projets sociaux (hôpital de Mfilou, Bibliothèque universitaire, château d’eau, trois écoles primaires : 5 millions de dollars US, le réseau routier (route Owando-Makoua-Mambili et route Obouya-Boundji-frontière du Gabon), projets sociaux (hôpital d’Oyo, Hôtel Alima Palace, écoles primaires et centres de santé dans le département de la Cuvette et de la Sangha pour un coût de 355 millions de dollars US. L’aéroport international Maya-Maya doté d’une deuxième piste d’atterrissage et d’un aérogare moderne pour un coût d’opération de 39 milliards de F CFA et 80 milliards de F CFA par une société Chinoise pour la réalisation d’un hôtel et de l’aérogare. Grâce à la coopération entre la Chine et le Congo, le ministère des affaires étrangères et de la coopération possède un nouveau siège construit par l’entreprise chinoise CBDGC pour un montant de 18.200.000 dollars US y compris la Maison de la radio et de la télévision Congolaise, etc…
Le Fonds, qui avait autrefois oeuvré pour un effacement de la dette congolaise, a découvert avec stupeur que Brazzaville avait continué de signer des contrats de préfinancement pétrolier avec des groupes de négoce. Une pratique qui consiste à gager sa future production d’or noir et qui, en plus de plomber les finances publiques lorsque les cours dévissent, donne lieu à des montages opaques et alimente la corruption. En 2017, le FMI a dû réviser son estimation sur la dette, de 77 % à 110 % du PIB, pour intégrer ces contrats « cachés ».Le pays traîne par ailleurs toujours un boulet : le contentieux qui l’oppose à la société Commisimpex, qui détient une créance de plus d’1 milliard de dollars, soit environ 16 % du PIB du Congo. Malgré des décisions de justice de 2000 et 2013 en faveur du groupe appartenant à l’homme d’affaires anglo-libanais Mohsen Hojeij, autrefois proche de Denis Sassou-Nguesso, cette dette n’est pas encore pleinement prise en compte par le FMI.
Le pays dirigé d’une main de fer par Denis Sassou-Nguesso a un lourd passif, ce qui explique que les discussions avec le FMI aient duré aussi longtemps. Le Fonds, qui, dans le passé, a donné son feu vert à un effacement de la dette congolaise (PPTE), exige que Brazzaville n’ait plus recours au système de préfinancement pétrolier : cette pratique consiste à gager sa future production d’or noir auprès de traders ou groupes pétroliers, en échange d’argent frais. Elle donne lieu à toutes sortes de montages opaques et alimente la corruption.
La SNPC vient ainsi de révéler au grand jour l’étendue des carences de sa gestion à tel point que l’ONG Global Witness qualifie le mastodonte pétrolier de véritable « boîte noire ». En sept ans, de 2012 à 2018, la SNPC n’a quasiment versé aucun dividende à l’État et n’a réalisé que des bénéfices modestes, à peine 123 millions de dollars, pour des ventes de pétrole équivalentes à 5,7 milliards. Pire : sur la même période, la dette de l’entreprise a augmenté de 741 millions de dollars.
Pourquoi ? D’abord parce qu’elle s’est endettée. Une partie de ces dettes sont dues aux compagnies pétrolières étrangères qui travaillent au Congo : Total, Chevron et ENI. Les accords permettent à ces compagnies de facturer des frais à la SNPC.
Le système mafieux et opaque le président Denis Sassou Nguesso et son clan ne fait que creuser le déficit publique et le recours à l’endettement est une politique désastreuse pour notre pays. Il est temps qu’une nouvelle classe politique se lève pour prendre les choses en main afin d’éviter une descente aux enfers.
Evrard NANGHO
Président national du Modec.