Alphonse Massambat-Debat VERSUS Joachim Yhombi-Opango : la guerre des mémoires.

 

Alors que le premier disparut dans la nature sans sépulture, sans fragment ou relique pouvant témoigner du passé auquel les bantous attachent moralement le plus grand prix, le second est auréolé, paré de nimbe et inhumé en grande pompe avec le prestige et la dignité que l’on accorde aux plus grands potentats de ce monde.
Alors, comment expliquer ces deux traitements aux natures disparates ? ironie du sort, simple coïncidence de l’histoire, concours de circonstances ou véritables actes politiques majeurs inavoués ?
Rappelons que si l’histoire peut être qualifiée de mise en récit, la mémoire quant à elle se veut une reproduction d’une partie du passé, avec pour objectif le renforcement d’une identité collective.
Mais, cette mémoire aux objectifs culturels se distingue du devoir de mémoire entretenu par des enjeux civiques et moraux. Le devoir de mémoire vise donc à sacraliser la mémoire des victimes d’évènements meurtriers et celle des grands hommes d’Etat
Pourtant, sous d’autres cieux, le devoir de mémoire est souvent dévoyé ou apprécie à sa juste valeur en fonction des victimes. C’est le cas du Congo où tous les morts ne sont pas logés à la même enseigne, et tous ne doivent surtout pas avoir la même place dans les imaginaires.
Qui ?

Alphonse Massamba-Debat, deuxième président de la période post-coloniale (1963-1968), assassiné dans des conditions jamais élucidées par la classe politique congolaise, et tombé dans l’oubli de la mémoire collective.
Pourtant, l’histoire récente du Congo rapporte que ce dernier a joué un rôle prépondérant dans le développement de l’industrie congolaise, par une gestion saine et rigoureuse, améliorant de ce fait le niveau de vie des congolais.
En effet, sous sa présidence, des grandes unités de production voient le jour : l’usine textile de Kinsoundi, les palmeraies d’Etoumbi, l’usine d’allumettes de Bétou, les chantiers de constructions navales de Yoro.
Sur le plan social, des centres de santé sont créés à Brazzaville et Pointe-Noire, ainsi que des groupes scolaires, faisant du taux de scolarisation du Congo, le taux le plus élevé de l’Afrique noire.
Mis aux arrêts le 18 mars 1977, juste après l’assassinat du président Marien Ngouabi. Des sources rapportent qu’il a été victime de graves sévices lors de sa détention. La cour martiale instituée pour la circonstance par le comité militaire du parti (CMP), le condamne à mort au motif qu’il serait l’instigateur du complot ayant entrainé la mort de Président Marien Ngouabi.
Dès l’instant, Il est exécuté dans des conditions qui resteront mystérieuses dans l’imaginaire collectif, et sans que son corps ne soit restitué à sa famille.
Sa mémoire fut soi-disant réhabilitée par la conférence nationale de 1991, mais l’emplacement de sa sépulture n’a jamais été révélé.
Qui ?

Joachim Yhombi Opango, alias Django, ou encore Odzoua-Ténéné pour les intimes.
Quatrième président éphémère (1977-1979) après Marien Ngouabi, cet ancien chef d’Etat connu pour le goût prononcé des soirées fastes et arrosées, présente un bilan économique et social famélique, que l’on ne peut donc évaluer, certainement à cause de 18 mois à peine de présidence aux destinées du Congo, interrompues brutalement par l’ogre, encore moins par le monstre féerique de l’histoire du Congo, Dénis Sassou-Nguesso pour ne pas le nommer.
Yhombi-Opango tire donc sa révérence le 30 Mars 2020, à l’hôpital américain de Paris. Sa dépouille a été rapatriée à Brazzaville, dans une atmosphère des grands jours, avec à la clé : un deuil national décrété, des drapeaux mis en berne, et l’interdiction de toutes manifestations non autorisées, en mémoire de celui dont le mérite ne tient au simple fait d’avoir été nommé président par intérim, par son bourreau de tout temps.
Au terme de cette analyse, il y a fort à parier que l’histoire du Congo mérite d’être revisitée, afin réhabiliter le réel et de congédier les imaginaires pollués par le mensonge.
Cela passera par un discours articulé, avec des formes d’écritures de soi, basées sur la vérité historique et non sur le déni, en relatant sans gommer toutes les périodes sombres et glorieuses qui ont émaillé notre passé commun.
Peut-on écrire l’histoire ou réhabiliter les mémoires avec une gomme ?

 MORO- ZOBAETOUMBA NZOÏSTE MEMORIALISTE.

 

 

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