‘’Adieu mes lecteurs ou Mwana Ntsouka de mes livres’’ est la synthèse de LA VERVE SNOPRACIENNE de Benoît Moundélé-Ngollo. Son génie semble ne pas être à la portée de notre siècle. La critique et la satire constituent les deux mamelles de son œuvre, comme le marteau et l’enclume le sont pour les outils à forger, à partir des matériaux bruts.
En dépit des préjugés de certains maîtres à penser, animés de mauvaise foi, sur la contribution de Benoît Moundélé-Ngollo à la littérature congolaise en particulier, francophone en général, par son style n’obéissant pas aux recommandations académiques classiques – Snoprac –, Moundélé-Ngollo apporte une innovation au patrimoine littéraire national. Mais il est judicieux de rappeler que tout est préjugé dans la vie, tout est sujet à caution, et surtout, lorsque Moundélé-Ngollo prend le courage de bousculer les codes d’une société en perdition comme la nôtre, où la dépravation des mœurs a droit de cité. Aussi, la verve snopracienne apparait-elle comme un long cri de douleur des vices sociétaux, un feu qui purifie, à la fois un vaccin et une cure thérapeutique pour l’immortalité. Le général Benoît Moundélé-Ngollo déchaîne les passions et foudroie les humains tout en magnifiant le vivre ensemble et le consensus. Il initie un grand débat pour le vrai lavement des mains sales. Enfin, il tente de remettre l’humain dans le droit chemin.
À travers la verve snopracienne, Benoît Moundélé-Ngollo propose une réflexion générale dans une société qui évolue à contrecourant des règles qu’elle s’est elle-même fixée. Il brocarde une société où la médiocrité s’est érigée en vertu telle une Oligarchie Bureaucrato-Militaro-Tribaliste – (OBUMITRI) [1]. Pour se faire, il s’appuie aussi bien sur les principes philosophiques des traditions africaines que sur l’actualité sociétale, pour créer ‘’ l’homo congolucus’’ nouveau.
La verve snopracienne apparaît comme un projet pour la quête perpétuelle de la paix comme chez Kant. Cette quête fustige activement le nouvel ordre social et culturel qui supplante l’amour du prochain, comme le Mahatma GHANDI théorisa et appliqua l’AGAPE, stade suprême de l’amour, dont s’inspira Martin LUTHER KING. L’analyse littéraire et la réflexion snopracienne, à notre avis, met en évidence, quatre aspects essentiels : l’amour, la dignité, l’honneur et la remise en question de soi, pour mieux comprendre l’autre. C’est le creuset d’une éthique irréprochable dans une société centrée autour de l’humain. Cette quadrilogie, sur un fond satirique snopratique, qui combat la servitude volontaire, est quasiment présente dans toute l’œuvre de l’auteur.
La verve snopracienne enrichit la langue française, par ses néologismes et la rend facile d’usage pour ‘’Monsieur tout le monde ‘’, en facilitant la compréhension de la communication populaire par sa typologie. Elle n’est point élitiste car elle montre à quel point la langue française n’est pas l’apanage des seuls Métropolitains. Nous illustrerons nos propos à travers les strophes tirées des ouvrages suivants :
1-Je plaide Non Coupable, éditions Harmattan, strophe 24
(Les Caractériels-Psychorigides p.15)
« Se tournant vers le traitre qui était évanoui,
Après avoir déféqué dans sa culotte,
Comme le font tous les lèche-culs de son espèce,
Devant le moindre danger et dans la trouille,
L’empereur lui demanda calmement
S’il ne savait pas que
Avoir fait ce qu’il avait fait était plus que,
Un blasphème, plus qu’une lèse-majesté,
C’était un véritable « Déimicide »
Le crime qui consiste à tuer n’importe quel Dieu
Que celui-ci soit Arabe, Catholique,
Asiatique Animiste ou Empereur,
Comme c’est justement le cas ?
Quand un élément de la garde impériale,
Annonça que l’impétrant était évanoui
Et qu’il ne pouvait par conséquent pas répondre,
L’empereur ordonna de lui verser, sur le dos et sur le ventre,
Une bonne quantité d’huile bouillante
Pour le réveiller de sa dernière comédie. »
2- Les Vautours ou Charognards de la République de Lokuta Capitale Mbongwana, éditions Harmattan, strophe 4 (Avant-propos ou esquisse d’un logocosme p.7)
« Une question se pose alors : Comment peut-on ne pas être néologiste dans la vie ?
Il y a peu d’institutions littéraires aujourd’hui, où il n’y ait pas de néologismes consacrés, aux langues locales, boudée par les gardiens du temple du purisme linguistique, contestée pour l’hybridation conceptuelle, dont tout néologisme est porteur, encensée paradoxalement pour le renouveau, qu’elle semble introduire dans les sujets de préoccupation. Cette innovation est liée à la souplesse argumentative, sans sacrifier bien sûr la noblesse de cette dernière. »
3- Fantasmons Ensemble un Instant Dans un Snoprac, Editions Hemar, strophe 6 (Des Préjugés Plus Que Tenaces p.86) « Si vous écrivez des pamphlets, voire des livres, qui dérangent tout le monde, y compris vous-même, ne vous en faites pas. Après les avoir rejetés avec colère et fracas, de préférence en public plutôt qu’en catimini, un soir avant d’entrer dans l’empire de Morphée, pour se reposer en ronflant, assoupi et apaisé, des tracasseries de la journée, repos bien mérité, ceux qui se sentent concernés dans vos écrits en mal, les liront un jour tranquillement en privé, couché dans leurs lits, tard dans la nuit sinon, confortablement assis dans leur canapé, en se surprenant, parfois, en train de sourire.
Ce qui les fera regarder autour d’eux, instinctivement, pour vérifier, s’il n’ya pas un espion caché, qui les aurait surpris en train de sourire, tenant en main l’un de vos ouvrages incriminés, qu’ils avaient un jour, en représailles, demandé de brûler en se fâchant publiquement. »
4- Lettres ouvertes ou Mea Maxima Culpa, Editions Hemar, strophe 8 (Ils iront pisser, déféquer et cracher sur nos tombes p.46) « Ah ! Si je savais, ou mieux Si je savais écouter ceux qui me critiquaient » -Sans me vouloir du mal – Si je n’avais pas écouté béatement ceux qui me flattaient bassement, En susurrant qu’étant presque Dieu, Je ne pouvais jamais me tromper A plus forte raison faire du mal Je ne me trouverais pas au crépuscule de ma vie, – C’est-à-dire au seuil de la mort avec ce brin de lucidité de dernière heure en train de pleurnicher lamentablement et en permanence en pensant aux générations futures, qui ne me pardonneront pas, –Elles auront raisons de le faire Car j’avoue que je le mérite bien Ils iront pisser, déféquer et cracher sur nos tombes, au lieu d’aller les fleurir avec des couronnes de fleurs artificielles ou naturelles, peu importe. »
5- Du coq à l’âne, éditions Hemar, (La vertu de la concertation p.11). « Lorsque, la mésentente naît, il faut savoir la juguler avant qu’elle ne dégénère en conflits inextricables. Il ne faut pas croire que le cliquetis des armes, ou le bruit assourdissant des canons et des avions de guerre, permet de faire entendre raison. » – cela dit – Il est aussi judicieux de jeter un regard, sur le rapport du souffle de La verve snopracienne et la métaphysique, rapport abordé par le Général Benoît Moundélé-Ngollo dans certains de ses textes tels que : – Si J’étais Dieu le père (p 157- 162), tiré du livre intitulé : Fantasmons Ensemble Un instant Dans un Snoprac. – Epilogue (p 117- 129), tiré du livre intitulé : Ce n’est ni Sorcier ni séditieux, ni provocateur, je le jure.
6 – ‘’Où es-tu Maman ? Je suis là mon enfant ; La Complainte D’un Orphelin (p 110-120) tiré du livre intitulé : Adieu Mes Lecteurs, Le Mwana Ntsouka De mes Livres. – Par ailleurs – Le général n’appelle pas la mort de tous ses vœux dans sa métaphysique snopratique, contrairement à ce que Frantz KAFKA dit à savoir : « faire de la métaphysique n’est que le besoin de la mort ». Ce n’est pas aussi « une ironie à la mort », selon la pensée d’Emile Michel Cioran mais, plutôt une élévation de l’être humain, « car la métaphysique donne l’air supérieur » d’après Gustave Flaubert. Tous ces traités sur la mort mettent Moundélé-Ngollo en face de « l’univers du néant » de Jean Paul SARTRE. Benoît Moundélé-Ngollo est de ce fait un artisan de la SOLO-MEMOPSY en traitant du rapport du souffle de la vie, de la psychologie et de la mémoire en relation avec la mort. Ceci relève de la Sociologie, de la mémoire et de la psychologie, en abrégé la SOLO –MEMOPSY.
Enfin, la verve snopracienne est l’épilogue d’une vie, celle de la conscience et du possible, du réel et de la morale. L’épilogue de la vie de Benoît Moundélé-Ngollo, un homme singulier du fait de sa naissance le 22 Septembre 1943 à Sainte-Radegonde sur les terres rouges et ocre (en mbochi Tsambitso), dans le district d’Oyo du département de la Cuvette. Il est chef coutumier supérieur le MOUANDZOL’Ô PAMA, dans l’un des terroirs Mbochis d’Assonis, d’Alèmbè et de Bombon du district d’Ongoni et d’Ollombo du département des Plateaux, frontalier de la Cuvette.
Au regard de sa double culture, occidentale et africaine, Moundélé-Ngollo est un citoyen de l’Afrique et du monde, l’exemple type d’Africain garant et jaloux des traditions africaines, tout en étant ouvert à d’autres cultures ou civilisations, à l’instar d’Amadou HAMPATE BÂ, dans un monde qui ne cesse de s’occidentaliser. En s’intéressant à l’oralité, source de la culture africaine, durant ses derniers moments de vie sur cette terre, il exhorte ses contemporains d’Afrique de ne jamais oublier leurs origines, de penser africain pour le règlement des maux qui minent leurs sociétés, pour ‘’le mieux vivre ensemble des peuples’’. Toujours d’actualité, il sied de rappeler que l’œuvre du Général Benoît Moundélé-Ngollo semble ne jamais vieillir.
Au travers des questions indiscrètes et gênantes qu’il a soulevées par lesquelles il a ennuyé et exaspéré ses concitoyens, il sublime le courage d’être soi-même, le courage « de porter la plume dans la plaie » (Albert Londres). Ces questions restent aussi embarrassantes et gênantes aujourd’hui, que jadis. Ainsi lègue-t-il sa réflexion à la postérité. Les générations à venir devraient s’en saisir pour ne pas tomber dans les travers des Anciens.
Merci mon Général, Chef coutumier supérieur le Mouandzol’Ô Pama.
Armand Mandziono