L’une des civilisations les plus anciennes de l’humanité est à même de choisir ce qui fait sens pour elle, de savoir quel type de société elle veut construire et quel type d’individu elle veut produire.
Malheureusement, pendant trop longtemps, l’Afrique a été l’objet d’une projection de fantasmes de la part des autres continents, qui l’ont très souvent perçu à travers un prisme déformant.
Après avoir été sous domination durant 5 siècles, l’Afrique est en permanence sous injonctions civilisationnelles, elle continue de vivre des prêts à porter sociétaux et de reproduire des histoires qu’elle n’a pas vécues.
La faute à la violence épistémique dont elle a été victime, et donc à la destruction de tous ses espaces de production de signification et de sens.
Le dénigrement de ses systèmes de production, et le fait de faire croire aux imaginaires que les systèmes les plus opérants sont ceux qui viennent d’ailleurs, ont largement contribué à la mise à l’écart de l’ensemble des connaissances propres aux groupes sociaux d’Afrique.
Dès lors, plusieurs concepts venus d’ailleurs sous des formes achevées, à l’image de l’idéologie du développement, ont été imposés et greffés sur des dynamiques de sociétés, qui sont des dynamiques de long terme.
Rappelons que dans son discours sur l’état de l’union en janvier 1949, Harry Truman, alors président des États-unis, évoque pour la première fois la nécessité d’apporter une aide économique aux nations, qu’il qualifie de sous-développés.
Ce concept est donc né avec des présupposés idéologiques, puisqu’il voit le jour dans un contexte de guerre froide, et avec l’idée d’éviter le basculement des pays colonisés dans le giron communiste.
Après plusieurs années d’errements, et au-delà des modes de gouvernance peu vertueux de la part de certains pays d’Afrique, le constat d’échec est plus que patent : l’idéologie du développement n’est pas enchâssé dans la socioculture africaine, car les aventures sociétales sont singulières et historiques.
Toutes les civilisations et toutes les cultures sont nées dans des espaces spécifiques et sur des projets singuliers, on doit donc pouvoir les lire à partir des catégories qui font sens, en rapport avec leurs historicités.
En effet, ce n’est pas parce que certaines formes d’organisation sociale ont été une réussite dans certains espaces, qu’elles sont forcément duplicables sous d’autres cieux et en tout temps.
La manière dont l’Angleterre s’est industrialisé au 18 ème siècle, dans un contexte des nations de l’époque, n’est plus la même, et cette occurrence de l’histoire ne se reproduira plus, car le temps de l’histoire n’est pas linéaire, mais il est cyclique et contingent.
Cela dit, les variables économiques qui ont été déterminantes pour que certaines nations règlent un certain nombre de problèmes, ne sont plus les mêmes dans ce temps présent, car nous vivons l’époque de la mobilité, et aucune catégorie n’est figée.
L’Afrique ne doit pas renoncer à son idiosyncrasie (son caractère individuel), elle doit repenser ses cadres épistémologiques et renouer avec sa singularité historique, si elle veut vivre dès à présent les métaphores d’un futur qui ne semble pas compromis.
A ce titre, il convient de rappeler que dans 35 ans, la population africaine représentera le 3/4 du globe, la force vive mondiale sera donc africaine, et les équilibres sociétaux, économiques, politiques et culturels du monde seront influencés par ce qu’il se passera sur le continent africain.
C’est donc l’occasion tant rêvée pour l’Afrique de mettre en œuvre des projets de civilisation et de société, qui vont rééquilibrer les ordres mondiaux.
En définitive, les modalités de réponses que chaque société articule sont diverses et abondantes, et la culture est de ce point de vue une promotion inventive, elle est la réponse qu’une société apporte à son environnement, en tenant compte de sa socioculture, afin de la transformer.
Dounat Fredy Saint-Christian