Changement de paradigme social au Congo-Brazzaville : quand l’ascenseur social tombe en panne, les « parisiens ou mikilistes » exultent et créent une classe sociale de fortune.

Il fut jadis, un temps, au Congo-Brazzaville, où l’ascenseur social s’obtenait par la réussite scolaire, oui, il y a de cela bien des lustres.
Mais, chemin faisant, mutatis mutandis, l’école n’est plus un facteur de mobilité sociale, du fait de l’effondrement du système éducatif, dû aux politiques hasardeuses des gouvernants congolais.
Dès lors, la nature ayant horreur du vide, le désengagement de l’État dans la sphère publique, le chômage massif des jeunes issus des couches sociales populaires, ont créé l’instinct de survie chez beaucoup, les poussant inexorablement à l’aventure en occident, et ce, au péril de leur vie.

À la recherche d’un eldorado, afin d’apporter un peu d’éclaircie dans une grisaille sociale souvent assombrie, la vie en dehors du Congo, pays comparé à une prison à ciel ouvert, semble devenue plus qu’une évidence pour beaucoup.
En effet, si certains parents « aisés », investissent plusieurs millions de francs cfa dans l’espoir de garantir un avenir meilleur à leurs progénitures, d’autres, plus démunis, prennent le risque de vendre parcelles ou autres biens matériels, en espérant être remboursés un jour par leurs enfants, si tant est que l’aventure envisagé à l’étranger peut s’avérer fructueuse.

À défaut donc de jouer au loto, ou à « qui veut gagner des millions », le pari de l’aventure en occident est devenu le jeu de hasard favori de plusieurs familles, en quête d’un ascenseur social qui leur donnerait accès à différents étages de la société congolaise.

Une fois en occident, beaucoup d’entre eux deviennent de véritables pourvoyeurs de capitaux pour leurs familles, par des transferts d’argent, via Western Union ou MoneyGram, réglant au passage tous les problèmes de la famille au sens large : parents, frères et sœurs, cousins et cousines, neveux, oncles, tantes, etc.
Désormais, être « parisien » ou « mikiliste », dans le langage trivial congolais, est devenu un statut social, à défaut d’avoir emprunté la trajectoire classique du cursus scolaire qui, autrefois était le chemin balisé menant à la réussite sociale.

Par ailleurs, si chaque « retour » au pays, est pour certains un moyen de renouer avec la fibre familiale, il est cependant pour beaucoup l’occasion d’exhiber l’arsenal vestimentaire acheté au prix de durs labeurs, et des chaussures JM Weston que le français moyen ne peut s’offrir, au vu des prix exorbitants.

Ces « mikilistes », déscolarisés pour la plupart, profitent du vide laissé par l’élite intellectuelle congolaise, font des émules dans chaque rue de Brazzaville ou de Pointe-Noire, attirant sur eux des regards d’admiration profonde de la part de la gent féminine, déjà vulnérable socialement, et prête à se livrer à la moindre sollicitation.

À ce titre, certaines vacances au pays ne sont en réalité que des séjours qui s’apparentent au tourisme sexuel, mais aussi à un défilé de mode, avec des jurys de quartiers, décernant le trophée du meilleur « mikiliste » à celle où celui qui arborera plus de vêtements de marques aux yeux du grand public.

Ce changement de paradigme social, suscite malheureusement de la frustration chez les diplômés sans emplois, et un sentiment de revanche sur fond de règlements de comptes auprès de la nouvelle catégorie sociale, celle des parisiens.

Au terme de cette approche sociétale, il appert que le phénomène du « parisianisme » s’est massifié au fil du temps avec le désengagement de l’État dans la gestion de la chose publique, la fissuration du système éducatif, et donc avec la volonté des pouvoirs publics d’illetriser les nouvelles générations, désormais livrées à elles-mêmes.

Oui, l’incompétence notoire une fois de plus à l’origine des maux, et au cœur du malaise, voire de la violence sociale au Congo-Brazzaville.

Fredy St-Christian Dounat

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