La rivalité sournoise que se livrent les intellectuels de la sape made in Congo-Brazzaville trouvent sa source dans la volonté de s’aliéner les Congolais de la génération récente, plus précisément des années 80, pour servir de levier électoral à certains qui nourrissent des ambitions politiques.
Cette rivalité confronte deux camps. D’une part, les « héritiers du Niboland » orphelins de leadership politique ; d’autre part, les « authentiques sapeurs » dénués de toute ambition autre que la reconnaissance de leur loisir vestimentaire présenté comme un art de s’habiller avec des codes vestimentaires, des éléments de langage théorique et une posture et une gesticulatoire pour paraître.
Si les seconds vivent dans l’insouciance des luttes sociales et politiques du Congo-Brazzaville, on ne peut en dire autant pour les premiers qui sont dans une véritable stratégie de conquête du pouvoir. Qu’à cela ne tienne, l’ambition est légitime. Mais celle-ci doit emprunter des voies honnêtes pour s’exprimer. Ce qui pose problème, et c’est là que réside la source de la rivalité, c’est quand les orphelins du Niboland cherchent à déplacer le centre de gravité de la sape de Bakongo (arrondissement n° 2 de Brazzaville) vers une destination inaugurale (le Luango) à défaut de pouvoir la situer dans le périmètre des trois palmiers.
Sur quoi repose cette rivalité ?
Cette rivalité repose sur deux postulats : Premièrement, façonner une icône de la sape qui serait le père de la sape. Deuxièmement, ériger un point d’origine de la sape qui serait le centre sismique à partir duquel le mouvement se serait propagé. Querelle de byzantins certes, mais qui devient un enjeu dès lors l’exploitation qui en est faite de la sape cache un problème plus profond, celui des effets persistants du démembrement du royaume du Kongo.
En effet, dans « La sape : l’art de bien s’habiller au Congo-Brazzaville », Gilbert Ngoma nie d’emblée qu’André MATSWA n’est pas le père de la sape comme le présentent les authentiques sapeurs. Il présente un tailleur de 1855, le dénommé PORTELLA qui serait selon lui le premier des sapeurs. Ensuite, se fondant sur l’antériorité des villes après celle civile, il s’évertue à démontrer que Portella étant du Luango, plus ancienne que Bacongo à cette date, il conteste le berceau de la sape à cette dernière. Encore une querelle de byzantins qui relève de l’intellectualisme perverti.
Le Nzoïste déclare que ces deux protagonistes ont tort de rechercher une icône paternelle à la sape.
Tout d’abord, s’habiller et bien s’habiller n’est pas un phénomène nouveau dans la vie des Bantu. A l’époque coloniale, la préoccupation des indigènes était loin des loisirs vestimentaires post-coloniaux. C’est une hérésie de vouloir attribuer un mouvement récent à l’esprit des gens de l’époque. On peut difficilement soutenir l’idée qu’un simple tailleur fut mieux habillé que les rois Kongo ou la Reine Nzinga ou tout autre prince et sujet du royaume. Pour autant, ces derniers ne sont pas qualifiés de sapeur. Je sape donc je suis ! Quelle vue réductrice de l’existence. Ni Matswa, ni Portella, dont il reste à vérifier l’authenticité des images, n’étaient des sapeurs et nul n’a le droit d’exploiter leurs images à ces fins.
Ensuite, le Nzoïste déclare que la sape est un mouvement né dans les années 80 en rapport avec la situation économique et sociale du Congo-Brazzaville. L’explication éloquente nous ai donné par le maître d’œuvre de la destruction du Congo, Mr Sassou-Nguesso, arrivé au pouvoir le 5 février 1979. « (…) il y a eu un moment que le Congo a atteint presque 100% de scolarisation. Mais à partir des années 1980, nous avons décidé de tout détruire. », dixit Sassou-Nguesso. C’est à partir de cette date qu’on a observé au Congo le phénomène de la sape. Les Congolais en séjour pays ne trouvaient aucune possibilité d’insertion sociale, méprisés par le régime marxiste ultra tribaliste pratiquant le « yaka noki-noki ». Pour marquer leur résistance au système politique en place, les premiers parisiens affirment leur dignité par l’indépendance économique au système social du pays et le font savoir par l’orgueil vestimentaire. Cette manifestation sociale leurs vaut l’ire des autorités marxistes qui organisent une chasse aux délinquants civiles (considérés comme tels par le régime) où même le simple fait d’arborer une certaine coiffe valait une arrestation arbitraire. Le régime marxiste de Sassou-Nguesso s’est violemment opposé aux séjours des Parisiens. Cette brutalité s’est estompée avec le temps pour devenir presque marginale. Mais revenu à la faveur d’un coup d’Etat sanglant, Mr Sassou active la fibre de la sape pour détourner les jeunes à s’intéresser aux problèmes sociaux engendrés par la prise du pouvoir par la force et le génocide des Laris qui s’en suivi. Pourquoi les Kongo-Laris ? Parce que Bacongo, fief historique de la résistance anti-coloniale incarnée par les Matswanistes et les Kongo du Pool, est le centre d’expression des opinions républicaines qui déplaisent aux tenants des régimes qui puisent leur légitimité à l’extérieur (la France). Sassou-Nguesso instaure de manière officieuse un ministère de la sapologie assumé par Alain Akouala, membre de son gouvernement. Il organise des événements (FESPAM compris) en faveur des sapeurs, son trophée civil en plus du pays tout entier transformé en butin de guerre. A ce jour, cet abrutissement par l’alcool et la sape continue et n’est pas près de s’arrêter tant que ce régime persiste.
Bacongo est aussi le centre de gravité du phénomène de la sape dès ses débuts des années 80. La culture Kongo étant encore hermétique aux mœurs légères, les Parisiens s’aventuraient plutôt à Moungali et Poto-Poto (selon l’expression de l’époque, KU NTEBE), pour assouvir leurs désirs d’ambiance. C’est ainsi que le phénomène de la Sape se répand dans la ville et gagne Pointe-Noire.
Cette genèse de la sape est indiscutable, à moins d’être un esprit négationniste visant un autre but. Et malheureusement le cas des héritiers du Niboland (espace politique) qui cherchent à se frayer un chemin pour se faire visible et utiliser la génération des sapologues comme marche pied. Cette stratégie vaut ce qu’elle est. Mais faille t-il à ce point falsifier l’Histoire en s’inventant une icône et un centre de gravité de la sape ? C’est là où surgit et on redécouvre l’anti-Kongo primaire enfoui dans les profondeurs de l’âme du Niboland par le colonisateur. Quand on pense s’être débarrassé de cette volonté de s’exclure des origines de Kongo Dia Ntotila, voilà qu’une génération des intellectuelles en quête de légitimité exhume cet esprit de division caractéristique du venin anti-Kongo inoculé par la colonisation. De Kikhounga Ngot à Lissouba, la relève a maintenant un visage : Gilbert Ngoma et son ami MABANCKOU pour lequel il butine la voie.
Les authentiques sapeurs ne sont pas en reste. La stratégie de présenter MATSWA comme le père de la sape est une infamie. Le Matswanisme ce n’est pas un instrument des cours de récréation ni des centres de loisirs. Le Combat politique de MATSWA ne peut être obscurci par des plaquages d’idioties vestimentaires. MATSWA a défendu la Dignité, la Liberté et les Droits de l’Homme par la non-violence face à un système colonial ultra oppressif. Son séjour européen c’était pour cette quête de souveraineté de l’espace KONGO comme en témoigne ses correspondances aux autorités françaises de l’époque.
Cette guéguerre pour la satisfaction de vos ambitions ne doit pas venir profaner la mémoire et les œuvres des personnes dont les préoccupations majeures et mineures n’épousent ni vos distractions, ni vos objectifs. La sape doit rester ce qu’elle est. C’est-à-dire un phénomène urbain sans intérêt.
LE NZOÏSTE