NOTRE CONTRIBUTION AU REFUS DU PAPE POUR UN SÉJOUR A BRAZZAVILLE
Mémorandum de médiation à l’attention du Vatican
Notre plaidoyer auprès du Vatican s’inspire d’un excellent essai intitulé : « L’église catholique au Congo-Brazzaville, des origines à nos jours » signé Armand Brice Ibombo.
En effet, cet essai historique sur l’église catholique au Congo retrace les différents repères de l’évangélisation du Congo par l’église catholique depuis le XVème siècle jusqu’en 2021. L’historien Armand Brice Ibombo sépare cet itinéraire fleuve en trois grandes phases.
Quatre étapes de quête permanente de liberté et paix véritable au côté de l’église.
La première étape traite de la découverte de l’embouchure du fleuve Congo en 1482 par le navigateur portugais Diego Cao jusqu’à la colonisation. Cette phase, fructueuse au départ, a débouché sur un échec à cause des incohérences liées aux atrocités de la Traite négrière.
La deuxième étape concerne la période coloniale, à partir de 1883 avec l’implantation des pères spiritains, principaux fondateurs des missions catholiques congolaises. Lesquelles missions ont connu une certaine expansion grâce à la mise en route des résolutions prises à la conférence de Berlin (1884-1885) où le Bassin du Congo était au centre des débats, comme le rapporte si bien l’auteur. Les pionniers de cette œuvre immense ont été Messeigneurs Carrie et Augouard. Les deux, soutenus par d’autres religieux et des religieuses, ont énormément contribué à la naissance de l’église et de la nation congolaise. Leur apport était autant religieux que social avec l’érection des églises et des écoles à travers tout le pays ; des grandes agglomérations jusqu’aux zones les plus reculées ou enclavées (Ceci pour être fidèle à la doctrine sociale de l’église fondée sur les œuvres de miséricorde).
La troisième phase est celle des indépendances. C’est le temps des évêques, prêtres, religieux et religieuses autochtones, à la demande pressante des papes qui ont gouverné l’église à cette période. Dès lors, la relève a été prise, avec ses réussites et ses limites, suivant les contextes.
La quatrième étape peut être située dans le contexte de la guerre froide Est / Ouest, celui des régimes autoritaires dits »révolutionnaires » qui faisaient de l’église »l’opium du peuple » avec son lot d’interdiction et de répression contre les églises et ses serviteurs. Le triple assassinat de mars 1997 dont le cardinal Émile Biayenda ainsi deux chefs d’Etat Marien Ngouabi (en fonction) et Alphonse Massamba Débat (ancien) marque un tournant historique majeur dans la violence politique impliquant les hommes d’église.
Sous une chape de plomb, les congolais ont reçu le 5 mai 1980, Sa Sainteté le Pape Jean Paul II, venue à Brazzaville, rendre hommage à ce fils du Congo. Celui-ci en prière et en larmes, devant la tombe du regretté pasteur, a exhorté les Congolais à la vénération de la mémoire du cardinal Émile Biayenda. Il prononça entre autres ces mots :Je viens le pleurer et prier ici, sur sa tombe, au milieu de vous, avec vous, sûr que si le Christ a désiré qu’il fût désormais auprès de lui, c’est que sa place était prête pour l’éternité, et qu’il peut ainsi mieux encore intercéder pour vous et pour sa patrie. En ce sens, son ministère pastoral se poursuit à votre service. Béni sois-tu, Seigneur, de nous avoir donné ce Pasteur, ce fils de là Nation Congolaise et de l’Église, le Cardinal Biayenda !
Manifestement, les pleurs et gémissements du peuple, intercédé auprès du seigneur par le cher et vénéré Cardinal Émile Biayenda ont été entendus. En effet, Monseigneur Ernest Kombo avait été choisi par 1200 délégués pour présider une conférence nationale souveraine qui décréta le pluralisme politique, l’alternance démocratique comme seul accès au pouvoir, le respect des droits humains ainsi que le progrès et la prospérité des congolais comme objectifs fondamentaux pour la construction d’un État-nation démocratique.
L’appel de l’église, les cris et pleurs du peuple congolais
5 ans de processus démocratique (1992-1997) n’ont pas permis à notre pays de tourner le dos à la violence. Au cœur des convulsions récurrentes les raisons exogènes à savoir la centralité géostratégique du Bassin du Congo. Les raisons endogènes ont un dénominateur commun, l’obsession pathologique de conquête et conservation du pouvoir du président Denis Sassou Nguesso.
Déjà, en 2004, 7 ans après le retour au pouvoir par les armes du général Denis Sassou Nguesso, Monseigneur Ernest Nkombo dressait un requiem pour un régime aux mains sanglantes à l’occasion l’éloge funèbre à Mgr Barthélémy Batantou. Toutes ces couleuvres que Mgr Ernest Nkombo a fait avaler aux représentants du PCT (parti au pouvoir) qui ont assisté au requiem méritent de figurer au fronton de la sourde contestation dont les racines, à n’en point douter, se trouvent dans la théologie de la libération, une philosophie de la lutte en vigueur en Amérique Latine, le « Vatican » des pires tyrannies jamais connues dans ce bas-monde.
Le discours funèbre de Mgr Ernest Nkombo, Évêque d’Owando, raisonnait comme une Conférence Nationale bis. Disons plutôt que cette allocution tenait davantage d’un bilan politique des dix dernières années que d’un requiem. Nkombo avait décrit un aveu d’échec. Le triomphe de la logique scientifique a été mortel pour le Congo. cet éloge funèbre avait des relents de critique politique à un moment où cette tâche était quasiment impossible au Congo si ce n’était par le biais de la parole de Dieu, Roi des Rois.
18 ans après, une triple forfaiture constitutionnelle et électorale (2016,2021) a plongé le Congo-Brazzaville dans une crise multidimensionnelle politique, socio-économique et sécuritaire.
*** Politique avec un État de plus en plus autoritaire, deux prisonniers politiques André Okombi Salissa et Jean Marie Mokoko croupissent en prison depuis 2016 en dépit de deux avis du Conseil des Droits de l’homme qui exigent leur leur libération.
*** Socio-économique, avec un pays potentiellement riche, hélas 90% vivent sous le seuil de pauvreté, des systèmes éducatif et sanitaire détruits, 3 à 4 ans de pensions et bourses ainsi que le personnel déconcentré et autres. Une corruption généralisée, un endettement extérieur sans précédent.
*** Sécuritaire avec une force publique devenue au fil des années, une force de répression, non au service de la sécurité des hommes, biens et services, celui du territoire national ; mais plutôt un levier de conservation du pouvoir d’un homme et son clan.
Face à cette déliquescence continue de l’Etat, une désespérance généralisée, les frustrations, la colère, voire la haine qui prennent place de façon insidieuse et continue dans le cœur des congolais ; l’appel au secours de dieu libérateur se fait de plus en plus pressant dans la cité. A cela faut ajouter les »contentieux politiques historiques » conséquences de la violence politique récurrente portent les germes d’une déflagration potentielle.
En conséquence, l’appel des évêques congolais de mars 2021 au pouvoir de Brazzaville, la communauté nationale et internationale sur la perspective d’une sortie de crise est plus que jamais d’actualité pour une sortie pacifique de la crise multidimensionnelle que traverse le Congo-Brazzaville.
Celle-ci passe inéluctablement par le triptyque ci-après :
***La libération des prisonniers politiques Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa;
***L’organisation d’un dialogue politique national;
***Une transition politique censée refondée les institutions de la République, auditer les finances publiques afin de penser un plan national de redressement national.
A ce titre, à travers notre modeste personne, qu’il plaise à Dieu d’entendre la voix de ces millions de congolais qui ont soif de liberté, de justice, la paix véritable et la prospérité pour tous.
Fait à Paris le 03 septembre 2022
Guy Mafimba Motoki