Jean-Marie Michel MOKOKO
Déchéance ou incubation de la légitimité : Autopsie
Le Général MOKOKO est une victime de la géopolitique française en Afrique centrale. Il faut retenir qu’avant son engagement dans la présidentielle au Congo, Mokoko était le chef de la MISCA en République Centrafricaine. La fin de sa mission de commandant des forces de l’UA, chapeautée par l’ONU et la France, a coïncidé avec la période d’organisation du scsrutin présidentiel par le régime autoproclamé de Brazzaville. C’est alors qu’il s’y engage convaincu :
D’une part, par la stratégie de l’IDC- FROCAD qui prenait en étau le régime. Stratégie qui par ailleurs avait finalement bien fonctionné en positionnant un candidat de poids pour rafler la mise dans chaque grand espace politique du pays. Cette stratégie ayant pour but de priver Sassou-Nguesso des voix électorales ou de les minimiser. C’est logiquement, sociologiquement, que le général Mokoko était positionné au nord, qui est supposé être le fief électoral de Sassou-Nguesso. En réalité, il revendique cet espace parce qu’il est convenu d’appeler une prise en otage des populations des contrées nord du pays. Monsieur Sassou n’a aucune envergure politique pour persuader ces populations d’un idéal de bien-être social. Durant toute son existence politique, il pratique le trafic d’influence et la magouille en ne procédant guère au comptage des voix, ou en publiant les résultats sans lien avec la réalité, ou encore en inversant le résultat des urnes. La preuve, le déclenchement de son coup d’Etat en 1997 fait suite au simple refus des populations d’Owando de le porter en Tipoye. Le Tipoye, pour ceux qui ne connaissent pas, est une procession ou un dignitaire est porté sur un trône par des porteurs à l’image de la procession de la vierge chez les catholiques. Ce refus de Tipoye est très illustratif de ce que représente Sassou-Nguesso, tel qu’il est perçu électoralement au nord. C’est à dire un indésirable récoltant que la portion congrue !
Sassou-Nguesso est conscient de cette réalité implacable. Il tente par tous les moyens d’afficher un habillage narcissique qui trompe beaucoup de personnes sur le continent. Je cite : Mandéla a été bernée pensant que Lissouba refusait à Sassou de se présenter aux élections. Il a adressé une lettre incendiaire qui a surpris plus d’un au Congo. Mais l’effet était là. Cet effet a servi à valider la thèse répandue d’un Sassou victime innocent ne faisant que se défendre. Faux et archi faux !
Pour revenir au général Mokoko, sa candidature avait été favorablement accueillie dans le nord qui cherche depuis les années 80 à se débarrasser du cancer Sassou. Il a réalisé un tsunami électoral des voix dans le nord du pays. Cette popularité a cependant provoqué l’ire de Sassou-Nguesso, le chantre du micro-tribalisme au Congo. A cet effet, la rancœur de Sassou-Nguesso a atteint un paroxysme lui rappelant amèrement que Mokoko l’a empêché de déjouer la Conférence Nationale Souveraine en 1990-91 qui a entraîné sa chute du pouvoir. Lui, Sassou-Nguesso, a favorisé Mokoko dans sa carrière militaire. C’est son produit dont il a fait tout de même Chef d’Etat Major, Conseiller militaire, Chef des missions militaires ci et là en Afrique, Attaché militaire près du Consulat de France, etc. Malgré ce qu’il considère sa trahison en 1991, il l’a nommé Conseiller spécial militaire après son coup d’Etat de 1997. Voilà encore Mokoko ose le défier et lui rafler la mise aux élections en 2016. Le comble était atteint. Sassou-Nguesso l’a pris tel un petit enfant et l’a jeté en prison. Sassou-Nguesso déclare à qui veut l’entendre que c’est son prisonnier personnel. Son cas est similaire à celui d’Okombi-Salissa. Deux personnalités sans épaisseur élevées socialement et politiquement par Sassou-Nguesso et qui l’ont défié. Ils subissent le même sort.
D’autre part, par rapport à la géopolitique française, le général Mokoko a mal apprécié la situation. Il croyait bénéficier du soutien de la France pour services rendus car toutes ces missions même concoctées par l’UA sont des missions parrainées par la France. N’oublions pas que Jean-Marie Michel MOKOKO est un officier formé à Saint-Cyr et fait l’école d’Etat Major en France. À l’instar de tous les officiers des armées africaines formées en France, il a signé le document l’obligeant à défendre les intérêts de la France contre toute situation qui les menacerait. En clair, obéir aux ordres de la France y compris contre son pays natal, le Congo. Ainsi, le général Mokoko est un potentiel traitre à son pays. Un agent dormant de la France. Or, dans le cas du Congo, en 2016 comme depuis les années 1970, les intérêts de France au Congo c’est Sassou-Nguesso à qui François Hollande venait de renouveler la confiance. En se présentant contre Sassou, le général Mokoko se présentait contre les intérêts de la France. De fait, il n’était plus sous la protection de ses amis. Et son sort était jeté puisqu’il est prouvé que tout scrutin organisé par Sassou-Nguesso est perdu d’avance pour les concurrents.
Le Mouvement de Défense des Terres Bantu rappelle que Sassou-Nguesso a une conception fusionnelle avec le pouvoir. Sa pensée est clairement exprimée dans sa déclaration fin 1996 lors de sa rencontre avec Bernard KOLELAS à Paris – Porte de Versailles. Sassou-Nguesso a déclaré “je n’irais pas aux élections pour mordre la poussière !”. Bernard KOLELAS avait compris à ce moment-là que ce monsieur privilégiait le coup d’Etat. C’est ce qu’il a fait. Tout le tintamarre autour de sa victimisation n’est que de l’écran de fumée. Si Sassou-Nguesso était péremptoire sur cette option, c’est parce que la France lui avait donné le quitus. Le coup d’Etat était l’œuvre de la France. Ce n’est pas la milice cobra qui a bouté dehors le régime Lissouba. C’est une multinationale militaire pilotée par la France de Chirac qui en est l’auteur. Pour rappel, cette multinationale militaire était composée des ex-FAZ de Mobutu, des Angolais, des mercenaires, des Hutus-power, et des légionnaires français basés au Gabon et au camp ORSTOM à Brazzaville. Pour l’instant, le fait que le général Mokoko reste en prison laisse supposer que la géopolitique française le conserve encore comme officier de réserve. Ce régime veille à sa santé et lui accorde des soins en Turquie. D’autres prisonniers d’opinion n’ont pas bénéficié un tel traitement en pénitence. Je cite le colonel NTsourou. Le cas d’Okombi est moins préoccupant du point de vue de la géopolitique française. C’est juste une disgrâce familiale qui n’est certainement, pas un bannissement. Sassou-Nguesso avait fait de même avec Joachim Yhombi-Opangault qu’il a libéré et grassement dédommagé juste avant la Conférence Nationale Souveraine.
Dans la stratégie de Sassou-Nguesso, le général Mokoko est une variable d’ajustement pour l’unité du nord. Son incarcération est une résidence aménagée. Une mise en scène politique pour berner le peuple du Congo, orphelin de leader. En clair, sa prison est un incubateur de légitimité pour succéder à Sassou-Nguesso si la géopolitique française y parvient. Autrement il est au frais du régime pour adouber le rejeton de Sassou le cas échéant.
Toutefois, dans l’échiquier politique au Congo, le général Mokoko n’a jamais été un opposant au régime PCTiste. Jusqu’à la veille de sa candidature, il était encore conseiller militaire spécial de Sassou-Nguesso. Il a démissionné quelques jours avant l’officialisation de sa candidature le 13 février 2016. Pour lui, c’était une candidature de succession familiale dans la pure tradition ethno tribale du pouvoir du nord. Il n’est pas un républicain au sens politique du terme. Il est plutôt un membre de la famille politique de son mentor Sassou. Et ce dernier considère comme un affront tout parent politique qui lui fait de l’ombre ou qui le défie. La posture du général Mokoko lors de la Conférence Nationale Souveraine était circonstancielle. Il n’était pas le seul à avoir eu cette posture. Le sieur Bokamba-Yangouma avait aussi défié Sassou en 1990 mais pas pour les mêmes raisons.
Soit dit en passant que le syndicaliste Bokamba avait perdu sa fille dans l’attentat du DC10 d’UTA visant Hissen Habré, et la bombe était placée dans l’avion depuis l’aéroport Maya-Maya à Brazzaville. Dans ce complot raté de la françafrique, avec Sassou au pouvoir, le lien est vite établi. Même si l’antiterrorisme français est parti chercher les auteurs du côté de la Lybie. Mais ça c’est de la géopolitique. Quant au général Mokoko, sa posture était dictée par la perte de sa femme cocufiée par Sassou-Nguesso ayant voulu l’empoisonner.
Ainsi, au moment de la Conférence Nationale Souveraine, pour beaucoup d’acteurs politiques et civils de l’époque, les raisons personnelles avaient pris le dessus sur le patriotisme à tout point de vue discutable. Jean-Marie Michel Mokoko fait partie de ces acteurs. Pour preuve, sitôt que le pouvoir eût changé de mains, le général Mokoko œuvra pour ramener l’ordre ancien pseudo-révolutionnaire, celui de la dictature pctiste par son coup d’Etat manqué contre le premier ministre de la transition. Après la chute de Lissouba, il a rejoint son parent Sassou qu’il a conseillé militairement. Nul doute que l’on apprenne un jour que le général Mokoko est aussi l’un des concepteurs et rédacteurs de l’opération Mouébara au même titre que Dabira, Lékoundzou et Marion-Michel Mandzimba-Ehouango.
Fait à Paris, le 6 Mars 2023
Pour le Mouvement de Défense des Terres Bantu
Le Représentant