Depuis plusieurs décennies, l’on assiste à la bipolarisation, encore mieux à l’expression d’une tendance en deux blocs politico-ethniques, qui ont toujours été le terreau des alliances et des querelles intestines de l’histoire culturelle et politique du Congo.
D’emblée, au sortir de la deuxième guerre mondiale, le microscome politique bipolarisé du Moyen-Congo, avait posé les jalons d’un échiquier politique aux relents ethniques mortifères.
Ces deux blocs structurants étaient incarnés dans la partie méridionale, par le parti progressiste congolais (PPC) du député Jean Félix-Tchicaya, l’union démocratique pour la défense et l’intérêt africain (l’UDDIA) de l’abbé Fulbert Youlou, et dans la partie septentrionale, par le mouvement socialiste africain (le MSA), du leader de l’opposition, Jacques Opangault, affilié à la section française de l’internationale ouvrière (le SFIO).
Cette configuration politique non triée sur le volet, avait donc jeté les bases d’un multipartisme gangrené dès le début, par les puanteurs d’un tribalisme aux conséquences insoupçonnées, avec à la clé, l’instrumentalisation de l’ethnie à des fins d’appropriation du pouvoir.
Pris dans la tenaille d’un chemin désormais balisé, dès lors, l’ossature des partis politiques au Congo se dessinait malheureusement sur les bases ethniques et tribales, favorisant à l’occasion, l’ethnicisation et l’homogénéisation des quartiers périphériques des grandes métropoles du Congo, même si Brazzaville et Pointe-Noire demeurent dans une certaine mesure, des agglomérations cosmopolites.
La période monopartiste, avec le PCT comme parti unique au pouvoir, était advenue manu militari, soufflant sur les braises d’un régionalisme postcolonial prédéterminé.
Désormais, le parti dirigeait un État fantôme, puisque cet État faisait office de bouclier cachant derrière lui : la région, la tribu, l’ethnie, le village, le clan, le favoritisme, créant à cet effet, des problèmes d’altérité entre différentes communautés ethniques au sein d’un même pays.
La conférence nationale souveraine, en 1991, mettait un terme au monopartisme, sans éteindre les flammes d’un tribalisme exaspéré par la survivance du PCT, et par la venue de nouveaux partis politiques tels que le MCDDI, l’UPADS, le RDD, le RDPS, tous des partis politiques ayant pour bases électorales les régions de leurs figures tutélaires.
Le retour inespéré du PCT au pouvoir, après la guerre civile de 1997, semblait ne pas avoir bousculé les codes de cette bipolarisation, alimentée par un logiciel idéologique devenu incontournable et légendaire.
Chemin faisant, mutatis mutandis, on a vu émerger la prédominance de l’ethnie Mbochi, dans les arcanes du pouvoir, et dans les grandes institutions du pays.
En effet, l’armature du gouvernement congolais, des responsables militaires, des directeurs généraux et des autres postes à responsabilité, sont majoritairement occupés par les ressortissants de l’ethnie Mbochi.
Au-delà de certaines institutions de l’État congolais, présidées, administrées ou chaperonnées par certains ressortissants de la partie méridionale, se pose inexorablement la question de l’existence ou non, d’un tribalisme structurel institutionnalisé par l’État congolais.
Par ailleurs, que l’on se sente appartenir à une ethnie ou à une région, là n’est pas le problème, mais, lorsque le discours politique enferme les populations dans un seul concept, celui du tribalisme, cela devient une dérive, parce que les hommes n’ont pas vocation à rester enfermés dans des choix identitaires.
Cependant, la célèbre phrase, devenue culte, du général Norbert Dabira, reprise par le général Nianga Mbouala, lors du procès J3M et Okombi Salissa, je cite : Après le départ de Sassou-Nguesso, quel sera l’avenir des Mbochi », donne du grain à moudre à tous ceux qui pensent qu’il existe une hiérarchisation des ethnies au Congo, et un tribalisme systémique au sommet de son État.
Afin d’éviter toutes formes d’amalgames et de frustrations, au sein d’un même peuple, cette problématique mérite un débat public d’envergure, de manière à établir des normes justes, équitables et appropriées, pour un Congo à jamais uni et impartageable.Débattons
Freddy Dounat.