J’ai pleuré sur les corps interdits de OLOUKA, de BAKÉKOLO, de Jean Baptiste IKOKO, de Ange DIA WARA et de leurs compagnons.
J’ai pleuré pour la souffrance des paysans brutalisés parce que soupçonnés de complicité.
J’ai pleuré sur la souffrance des bannis, des laissés pour compte, de ceux qu’on avait sorti des statistiques.
J’ai pleuré pour la misère des orphelins qui devaient assumer les fautes que même la mort de leurs parents n’avaient pas su expier.
J’ai pleuré pour tous ceux qu’on a bannis et écarté des chemins de la république.
J’ai pleuré pour ceux qu’on a envoyés à la mort alors qu’en conscience les bourreaux savaient qu’ils n’étaient coupables d’aucun tort.
J’ai pleuré pour ces morts sans corps et ces corps sans tombes.
J’ai pleuré pour ces villages rayés au nom de la faute collective.
J’ai pleuré pour ces cultures, ces arbres rasés.
J’ai pleuré pour le cheptel décimé les élevages radiés.
J’ai pleuré sur OTENDE, Guernica du Congo parmi tant d’autres.
J’ai pleuré pour ces pétrins et ustensiles ramenés triomphalement comme butin et fièrement exhibés dans les rues de Brazzaville.
J’ai pleuré sur les affres de ces milices minutieusement organisées, qui ont fouillé et extrait tous les jeunes, une ruelle après l’autre, maison après maison pour les sauver de la vie qu’ils ne méritaient plus.
J’ai pleuré pour tous ces jeunes, sortant des bateaux après un laborieux et pénible exode, et qui, l’espoir au cœur, ont cru voir le salut en retrouvant la terre mère mais sont entrés en enfer et ont connu la mort par la porte du paradis. J’ai pleuré pour la misère du plus grand nombre qui patauge dans d’inextricables difficultés et côtoie l’insolente richesse de ceux qui ont accès à la minorité privilégiée…
Non, je ne pleurerai pas.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui ont regardé faire.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui ont autorisé que des étrangers entrent chez leurs compatriotes et fassent peu cas de leur existence.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui ont suggéré les ordres de massacre général.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui se sont rendus complices parce qu’ils ont détourné le regard n’osant pas un mot qui leur enlèverait un croûton de la bouche.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui ont vu et laissé mourir sans oser le moindre mot par peur d’étouffer.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui lisaient pendant que d’autres criaient d’une douleur insoutenable.
Je ne pleurerai pas sur ceux qui parfumaient leur intérieur pour ne pas sentir la puanteur des cadavres alentours livrés aux chiens.
Je ne pleurerai pas sur ces intellectuels sans opinions (plutôt complices) qui reçoivent sans honte les bénéfices que seule la complicité peut justifier.
Non je ne pleurerai pas !
À chacun ses morts.
Les agneaux ne pleurent pas sur les cadavres des loups.
Ne vous en déplaise messieurs.
P.M.K