Pour une victoire de l’opposition
Avant-propos
Ce texte est la version actualisée d’une analyse parue en 2002, à l’occasion de l’élection présidentielle. Texte qui n’a rien perdu, ni de sa consistance, ni de sa véracité, ni de sa pertinence au regard des nombreux sujets qu’il évoque, des difficultés auxquelles demeure en butte l’opposition congolaise et la manière de les aborder.
Par son caractère prémonitoire, le texte indiquait le sort auquel était convié bon nombre de dirigeants politiques de l’opposition (exil à jamais pour certains, amnistie sélective et donc anesthésiante pour d’autres, émiettement des partis de l’opposition, paralysie complète des forces.
Le texte indique ce qui conviendrait pour redonner une âme à cette opposition qui n’en est plus une afin d’assurer sa résurrection. Il montre les voies de son unité par une approche homéopathique et concise qui permette de s’affranchir de la fâcheuse question de leadership dans la voie de son unité.
Ces analyses tirent leur source d’un document intitulé « alternative politique au Congo-Brazzaville ; éléments contributifs à la victoire de l’opposition. Appel à une convention ». Il demeure, à n’en point douter, une contribution majeure, un document de référence devant inspirer le combat politique d’aujourd’hui de l’opposition. Ce document est une contribution du conseil national de la diaspora-france.
Tout ou presque s’achemine sur une défaite annoncée de l’opposition en 2009, une débâcle pour la résistance, un statu quo politique national et donc une victoire des forces du mal. Le maintien d’un ordre politique désuet et décrié. Tout concourt à conforter les positions du pouvoir dans une réélection prochaine tant les certitudes et l’arrogance, affichées dans le camp présidentiel, sont en total contradiction à la fébrilité et le manque d’enthousiasme de l’opposition. Tout se résume dans un rapport illégal.
Il s’agit, pour le pouvoir, d’entériner une situation de fait acquise depuis les législatives de 2007 où la témérité et l’intransigeance lui ont permis de venir à bout d’une opposition affable, dispersée et donc vulnérable et rééditer l’exploit. Autrement dit, transformer l’essai des législatives en s’octroyant invariablement une victoire sur la base des fraudes organisées. La fin justifiant les moyens.
Tout présage ainsi d’une élection jouée à l’avance, où 2009 n’apparaît plus que comme une formalité, où la seule volonté du plus fort peut compter et l’opinion nationale médusée, l’opposition flouée et désabusée, devront subir les affres d’un pouvoir autoritaire et patriarcal.
Derrière la façade agissent des hommes repus à l’argent facile, versés dans la corruption, renfloués par des innombrables ressources qu’apporte la rente pétrolière dont ils tirent ostensiblement profit au détriment du plus grand nombre.
Tout se prédestine en un achat de conscience, d’avilir les populations afin de les rendre serviles. Tant une chose est vraie le régime de Sassou Nguesso a su jouer de la corde sensible : avoir affamé sa population pour la rendre corvéable à jamais et être parvenu à domestiquer une partie de l’élite politique. La démultiplication des partis politiques et associations ne sont qu’un moyen d’alimenter tristement ses réseaux de soutien. Ils sont, autrement dit, une forme d’extraversion dans la redistribution des ressources, fondée sur l’endoctrinement, le copinage.
Cette corruption s’opère par le biais des proies faciles que sont les jeunes, désœuvrés et autres couches de la population privées de tout droits économiques. Le pouvoir cherchant par ce biais à déposséder le peuple de son droit à des élections démocratiques.
Ainsi veut-il inlassablement par ailleurs jouer de la peur comme lors des précédentes présidentielles afin de rééditer une tricherie organisée dans le climat de traumatisme de guerre.
Car hormis le fléau de la corruption, cet argent facilement gagné, qui gangrène les arcanes de la politique et l’ensemble du tissus social en constituant un goulet d’étranglement dans la sphère de la production, le pouvoir use de l’intimidation pour acculer le peuple à des réactions violentes qui justifieraient le retour à la guerre civile ou le climat de guerre ce qui légitimerait le maintien de la situation actuelle.
L’opposition se doit de ne pas tomber dans le piège ; piège que ce dernier voudrait aussi tendre à la communauté internationale.
Ces propos, pour surréalistes qu’ils puissent paraître, ne discernent pas moins la triste réalité à laquelle on est conviée. On devra soit s’y résigner, soit s’exiler, soit se taire à jamais.
Plus que jamais on se doit de réagir, afin de créer un rapport de force nécessaire au changement. Le pays risquerait de sombrer davantage dans la déchéance ; état de décrépitude déjà si avancé qu’il reviendrait aux générations futures d’en payer un trop lourd tribu. C’est le sens du devoir.
Si d’aventure, Sassou Nguesso parvenait à se construire une victoire électorale sur les ruines actuelles du pays dont il clame ostensiblement ne pas devoir porter la responsabilité, nul doute qu’il ne se gênerait en rien à rafistoler un troisième mandat ou à chercher à asseoir une dynastie familiale. Nous sommes à un tournant, on se doit de l’arrêter.
L’opposition doit sortir de sa « splendide » léthargie et marquer un changement de régime. Par opposition, nous entendons la frange la plus déterminée, celle porteuse du flambeau de la lutte.
La sociologie politique nous permet aujourd’hui de distinguer deux types d’oppositions : la première dite « maîtrisée », opposition très alimentairement alignée derrière Sassou Nguesso dont la vocation essentielle est de jouer les troublions, la digression. Opposition de façade, n’aspirant qu’à une redistribution dans le partage du gâteau ; et donc de complaisance. Elle se doit d’être combattue au même titre que le pouvoir ; et une seconde, porteuse d’espoir, en phase avec les aspirations profondes des populations. Opposition digne, à laquelle nous croyons, incarnant le bien et donc le progrès social.
Cette dernière se doit de se doter d’une personnalité, rendre visible son projet politique à travers l’organisation afin d’atteindre la taille critique nécessaire et créer le rapport de force dans le pays. En cela, elle doit amorcer les fiançailles, s’adapter aux besoins de la lutte : pourfendre les mauvaises habitudes d’une lutte solitaire, récuser la langue de bois, éviter de céder au jeu de la critique stérile de l’autre propre à entretenir la discorde.
S’affirmant comme le héros de la nouvelle lutte, celle-ci doit marquer son apparition au devant de la scène autant unie dans ses composantes qu’inspirée dans son programme politique. Tant se pose la question fondamentale : comment parvenir à bout d‘une dictature par les urnes. Autrement dit, comment construire une alternance politique au Congo-Brazzaville qui consacre la victoire de l’opposition et qui se fonde sur les vertus du choix électoral des citoyens ? Peut-on de façon impétueuse se construire une victoire autrement que par les armes. Nul doute que c’est dans l’unité de l’opposition.
En cela, elle doit se réorganiser et se structurer. La recherche de l’unité doit plus que jamais faire parti d’une démarche constructive ; parce que les divisions sont de moins en moins comprises par le peuple et par les militants, et parce que seul, ensemble qu’elle peut augmenter, sans coup férir, ses chances dans la conquête du pouvoir.
Le besoin d’unité est d’autant plus pressent qu’il est perceptible à tous les niveaux, débats, discussions et consultations où se dégagent une nette majorité en sa faveur. Aurait-on oublié que ce qu’on regarde en divisions de l’opposition n’est que la pluralité des courants qui la composent dont le seul but à tous est de s’affranchir de la tyrannie dans toute sa diversité !
Comment peut-on dire qu’il s’agit des divisions insurmontables, comme d’une târe, alors même que partout dans le monde où elle a pu venir à bout des dictatures, elle a raisonné au son de l’unité et non sous les bruits assourdissants de l’invective.
Toutefois on se doit de noter que toute quête d’unité postule un dualisme entre projets individuels et projet collectif. La naissance d’une union secrète la naissance d’un projet communautaire comme elle postule à l’effacement d’ascendances personnelles, démontrant par là que le concept d’union demeure complexe car paraissant inclusif exclusif. Sa parfaite réalisation est tributaire des arbitrages entre satisfaction des utilités personnelles et la maximisation de la volonté commune, reste donc conditionnée par les engagements, suspendue à ce que chacun ressent entre réalisation du projet subjectif personnel et le bénéfice qui lui procure la foi d’une démarche objective commune.
L’union est donc duale. Sa dualité résulte de ce qu’elle est délicate et nécessaire.
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Nécessaire ; en ce que l’union est le socle de reconquête du pouvoir, qui s’oppose à toute démarche individualiste destructive.
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Délicate ; en ce qu’elle peut briser les ambitions personnelles souvent fort légitimes. Or force est de reconnaître que certaines de ces ambitions se sont construites au gré des rudes et héroïques batailles, de fermes convictions, qu’il ne semble pas aisé d’y renoncer.
On objectera qu’en Yougoslavie, les leaders traditionnels se sont effacés devant un illustre inconnu pour venir à bout de Milosevic. Toutefois, pour instructive qu’elle soit, l’exemplarité de l’enseignement ne saurait aisément se généraliser eu égard aux considérations psychologiques et sociologiques qui l’accompagnent et sur lesquelles elle semble s’être appuyer. Car, il faut faire montre de beaucoup d’abnégation, de renoncement ce qui est loin d’être évident et encore moins répondre à la mentalité du Congolais.
De ce qui précède l’union devra donc être pensée dans des formes qui permettent de concilier les ambitions sans les gommer afin de mieux les intégrer dans une démarche commune à des fins d’efficacité recherchée. Partant, la pluralité des expressions de l’opposition héritée de sa récente histoire ne saurait constituer un obstacle à sa plus grande cohésion.
L’opposition devra aspirer à l’union : en cela, elle doit affirmer symboliquement cette volonté au travers d’un grand rassemblement ou convention, lequel contribuera à créer un espace-débat sur les moyens qu’elle est prête à consacrer pour pérenniser son combat.
Lieu de sanctification, ces assises permettraient de reprendre les choses en mains, de faire l’inventaire des forces ; car, après tout, un état de lieu s’impose afin de savoir qui est de l’opposition, qui ne l’est plus !
Qu’importe la participation, l’effet recherché est en l’occurrence un effet d’annonce avec un impact déstabilisant pour le pouvoir.
Car, il s’agit par la symbolique, de la rencontre de créer un esprit de corps, d’enclencher une attitude offensive qui a le bénéfice de sortir l’opposition de la situation défensive dans laquelle elle se trouve. L’ensemble des militants et de la population demeureraient très attentifs et mobilisés grâce à la conclusion positive d’un tel accord.
A l’issue des assises sera adoptée une Charte à travers laquelle l’opposition devra :
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se reconnaître de la Constitution de 1992, en démarcation avec la Constitution actuelle. Car bien qu’elle ait connu des disfonctionnements quant à son application, la Constitution de 1992 demeure le référentiel qu’il conviendra d’amender.
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Décliner son engagement pour la paix à travers la mise en place d’une commission vérité et réconciliation. Nul doute que c’est par la construction d’une mémoire collective et le pardon que le travail de deuil se fera.
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Mettre un bémol sur la question du pétrole, question trop sensible au regard de nos partenaires. Il s’agit d’enlever à Sassou Nguesso l’argument sur lequel il s’appuie pour solliciter la confiance et le soutien de nos partenaires, partenaires dont nous avons tant besoin. La quête de solidarité internationale est une des conditionnalités à laquelle l’opposition devra se plier. Celle-ci demeure liée à l’image que ces derniers se feront d’elle.
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S’engager à avoir un candidat unique ; candidat de la convention. Le rôle de celui-ci est d’être un instrument de conquête du pouvoir, un fusible dont il faut user pour « plomber » le pouvoir.
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Scellé par un contrat moral que régit la charte, ce dernier a les pieds et mains liés pour organiser dans les cinq années qui suivent son mandat, une élection libre et transparente à laquelle il ne prend point part, mais à laquelle participe tout le monde ; même Sassou ! Tant il est vrai que l’objectif à assigner à ce pouvoir de transition est d’ancrer définitivement le Congo dans la voie de la démocratie.
De facto, il ne s’agirait nullement d’élire un monarque, loin sans faux, un homme à qui l’on donnerait carte blanche mais d’élire un candidat destiné à faire la volonté de tous, souverainement exprimé lors de ces assises.
Le pouvoir ne lui est pas exclusif mais collégial. Ce dernier se voit confier la charge morale d’appeler à gouverner avec ceux de ses cogénaires ayant contribué à cette conquête du pouvoir. Ceci, afin d’éviter des frustrations et rancœurs souvent sources de malentendus, de discordes futures.
Mission salvatrice. Mission brève certes mais très intense car il offre à celui qui l’assume le panthéon des grands hommes, la gloire de toute la nation, les égards de la communauté internationale.
Ainsi, le prestige que lui procure l’accomplissement d’une mission somme toute historique le situe t-il dans la tradition Amany Toumani Touré, ATT, qui, fasse à Moussa Traoré demeure à non point douter le bâtisseur de la démocratie au Mali, à l’égard duquel la communauté internationale demeure avide de sollicitudes (très sollicité dans les grandes conférences internationales). Par ce biais, le candidat saura à jamais être, ceux de ces hommes dont le nom demeure attaché à l’histoire et dont la simple évocation recèle d’enseignements et nourrit d’envies les jeunes générations.
La charte bride à une seule législature le mandat du candidat ; en limitant ainsi son mandat, on crée les conditions permissives d’adhésion au projet.
L’apport essentiel de la démarche est qu’elle avalise une méthode, laquelle réouvre des élections à brève échéance, et donc permet de solder les conflits en plaçant tout le monde sur le terrain électoral tant à l’intérieur de la confédération des forces de l’opposition qu’au niveau de la nation toute entière ; car ce n’est que lorsque chacun aura pris la mesure de ses chances et de ses réelles capacités sur le terrain électorale que les ambitions se tairont d’elles mêmes. C’est développer une approche pacifique des résolutions de conflits que de laisser le champ libre à l’expression diversifiée et compétitive et tordre, de ce fait le cou à une vision selon laquelle le pouvoir s’acquiert par les armes ; remettant au seul peuple souverain l’onction de la légitimité.
Pour autant, il faut se convenir du profil du candidat. Celui-ci doit être un homme-tampon, un homme de consensus, en qui se reconnaît tout le monde. Avoir le courage politique ; caractéristique éminemment déterminante.
Suffisamment batailleur, son tempérament devra le prédisposer à braver les orages, à conduire les troupes. Tant il s’agit de gagner d’une part et de savoir revendiquer sa victoire de l’autre, à l’image de Kostonica, de Laurent Gbagbo ou des batailles électorales récentes, au monde et en Afrique, face à des dictatures. Un homme donc résolu dont la forte personnalité épouse les caractéristiques du contexte politique particulier d’aujourd’hui.
Choix d’autant plus harassant qu’il faille se prémunir de candidat malencontreux peu susceptible de jouer les règles du jeu et donc de la discipline d’ensemble. Un candidat peu scrupuleux qui, grisé par le succès de la courte et éphémère mission, chercherait désespéramment à s’accrocher au pouvoir. Contrainte morale d’autant plus aisément acceptable tant pour un candidat jeune qui pourrait escompter tirer profit de ce bref passage au pouvoir pour les échéances ultérieures que pour un candidat âgé mû par simple altruisme. C’est le cas de ATT, Amani Toumani Touré.
Il revient à la charte de définir scrupuleusement les critères et modalités devant présider au choix.
Partant, l’idée d’un inconnu, devant et pouvant incarner la relève, en étant capable de fédérer les forces, ne devrait nonobstant pas être écartée mais examinée avec parcimonie.
Le Comité Directeur du
Conseil National de la Diaspora