François NKODIA changea de patronyme en devenant Francos De KODIA et à la clé plusieurs alias pour ses intimes, dont Salomon,Uomo, Capo di Tuti Capi, a vécu 84 ans. Il était né le 01/09/1941 et a été appelé à l’au-delà le 03/02/2025.
Quatrième de la fratrie de huit enfants, dont deux garçons, Francos était le fils tant attendu par le vieux NKODIA, vu que ses aînées étaient toutes de sexe féminin. Gendarme et Infirmier de son état, le vieux NKODIA avait travaillé avant l’indépendance à Carnot en Oubangui-Chari, actuelle Centrafrique. De retour au Congo, il avait continué à exercer son métier d’infirmier à l’Institut Pasteur de Brazzaville, jusqu’à ce qu’il soit admis à la retraite. Il avait élevé son fils dans la rigueur et dans la discipline.
Francos De KODIA, si le public connaissait l’Homme, certains jusqu’à l’aduler, l’Être l’était moins.
Le commun des mortels ne le connaissait que pour son penchant sur l’étoffe, mais il était plus que cela. Le murer qu’à cette étiquette, c’est faire fausse route. Ce côté n’était que la partie visible de l’iceberg. Pour bien comprendre l’Homme, il fallait explorer son côté invisible que j’appellerais l’Être. On ne connaît le goût d’une pomme qu’en la croquant.
Francos dans son jeune âge, bien que Bacongolais, de par son ouverture d’esprit et son humilité, avait des accointances avec les jeunes Potopotois de sa génération. À l’orée de l’indépendance jusqu’à l’arrivée de l’embrigadement de la jeunesse congolaise dans les milices dites révolutionnaires, beaucoup de jeunes Congolais adeptes de l’esthète, des grandes villes du Congo, notamment ceux de Brazzaville, pour ne prendre que le cas de cette ville, vivaient en Club, soit par affinité ou soit par proximité. Entendez par Club, Association. Francos durant toute sa jeunesse, avait évolué dans différents Clubs, jusqu’à la disparition de ceux-ci. Dans les Clubs, régnait un esprit de solidarité, de fraternité et d’ouverture où le sectarisme quel qu’il soit ne pouvait disposer d’un strapontin. Il avait fait ses premiers pas dans le dandysme avec le Club, « les Jeunes Premiers » puis le Club « Simple et Bien » et enfin le Club « les Viveurs ». Certains de ses Clubs englobaient les Bacongolais et les Potopotois. Je peux citer vaille que vaille : Gomez de MAKANDA, MBOUONO Sorcier, Martin Mirow KOLOKO, Cargu BALEKETA, Jean Bref BATOULA, Clément OSSINONDE, Théos MABENGUELE. Cette liste n’est pas exhaustive et vous y trouvez les jeunes de tous les horizons de cette époque. C’était ça Brazzaville, et Francos était un Brazzavillois de pur sang, un briseur de barrières, un fédérateur,
Certains Clubs sus-cités puisaient leur inspiration sur les aînés de l’un des plus grands Clubs de la place de Brazzaville,« les Existentialistes », dont les animateurs étaient : le charismatique Edmond NTADI CALLAFARD, Empereur MANOUANA, Chrysosthome Molinard MIFOUNDOU, Jean Bref KIKONDA, KOUAMALA…
Francos savait lier l’utile à l’agréable. Pour son savoir, son goût du beau ne le déviait point du chemin de l’école, ni des Chèques Postaux du Centre Ville, pour exercer son métier de Comptable.
Il faisait partie de la première promotion des Comptables, sortie du Cours Commercial, actuel Lycée Technique de Brazzaville.
Malheureusement, au bout de quelques années, trouvant ce travail routinier, il démissionna. Il resta huit ans environ sans activité relevant d’une quelconque pécule, jusqu’en 1977. Cette année là, lors de mes vacances à Brazzaville, pendant que nous nous attablions pour siroter chez PamPam au Centre Ville, se pointa devant nous un Potopotois, à l’esprit brazzavillois au nom de Aimé MBONGO, qui était à ses trousses selon ses dires, pour lui proposer de postuler un emploi de Vendeur de véhicules au sein de la CSSO CONGO. Ce fut le début d’une autre ère de sa vie et le destin avait voulu que je sois le témoin de ce recrutement inopiné.
Après la CSSO, il se lança dans les affaires. Lors d’un de ses séjours parisiens, accompagné d’un cadet, Mamara MBOUNGOU, il s’offrit un bien immobilier à Sarcelles.
Les Clubs de nos aînés ayant disparu, suite aux voyages à l’étranger pour les uns et aux responsabilités familiales pour les autres, la nature ayant horreur du vide, vint notre tour de jouer dans la cour des grands. S’il faut catégoriser l’histoire des Clubs des jeunes comme ce qui se fait dans le sport, je la resumerais comme suite :
-Seniors : Les Existentialistes, Les Cabarets…
-Juniors: Les Jeunes Premiers, Les Simples et Biens, Les Viveurs…
-Cadets : Les Leaders, Les Princes Bourgeois, Les Borsalinos, Les Saint Tropez, Les Wonderers, Les Dauphins…
-Minimes : Les Teenegers…
Dans cette euphorie d’une jeunesse guillerette, beaucoup évoluaient en solo en binôme, ou en groupe sans étiquette. Je pourrais citer pêle-mêle Kofeeno MASSA, Désalbo BITEMO, Vakino BAVOUKANANA, Thomas KINOUANI, Claudy MALANDA, Hassan MALANDA, Kapata MALONGA, Jean Marc ALLONI, Jean Pierre NGOUAKOU Kalafate MANKITA etc…
Nos modèles étaient Francos DE KODIA, Edmond CALLAFARD NTADI, Clémins KIMBEMBE, Sissi SIASSIA, Gomez DE MAKANDA, Sthéphane BONGONOUARA, NGOMA le Môme, Noël Nono NDINGA, Liberlyn SHORIBA DIOP grand Speaker à Radio Congo et danseur des Ballets DIABOUA, et bien d’autres. Chaque aîné avait sa particularité dans son mode de vie.
Le Club « les Borsalinos », comptait en son sein Joseito MASSENGO, Gondet MALEBA, Cyriaque NGOMA, Destin SITA, Basco MASSAMBA, Maurin KIKOUTA, Beloz LOUBELO, Malapet SITA, Maron NGOMA et bien d’autres. Nous avions de fortes accointances avec Mavérick SIASSIA que j’appellerais « petit Francos » pour son charisme et son élégance, Marcel MAYEMBO et Santa Jean BANDOKI. Bien que nos demeures étaient hétéroclites, le cœur de notre Club était le quartier du Temple protestant de Bacongo.
Le Club « les Leaders » sans jeu de mots avait comme leader un jeune très remuant nommé Trudel BIKOUMOU. Parmi ses membres on pouvait compter Jusco Baretto, Kusmar, Paris…Leur siège se situait à proximité du Bar Dancing Macédo.
Le Club « les Princes Bourgeois » dont les animateurs étaient Octave MOUMPALA, Raph KANDA, Dario SABOU Mathurin MOUTSILA, Yanda BOUBA etc, sa zone d’influence était le quartier Nkéoua.
Du côté de Potopoto je pourrais citer le Club « les Wonderers » avec comme adhérents Isidore Ozday MVOUBA, Anatole Freddy IBARA, Blanchard MOYO, Odard ODZALI, Stanislas…Louis-Marie AWE en était un des sympathisants.
Leur siège se situait près du croisement de la rue Mbochi et l’avenue de la Paix.
Les Plateaux des quinze ans étaient représentés par le Club « Saint Tropez », leur mode de fonctionnement n’était pas loin du notre. Les principales têtes d’affiche étaient Josephat MOUNGOUKA, Tierdo LHONI, Lazare MEZA, Aimé LAVIE MIENANDI, Henri BASSEKA , Kelly, Kiab…
Le Club des Jeunes Élégants C.J.E. en abrégé, paradait du coté du Cinéma ABC. Decker en faisait partie.
Jean-Louis MONEKOLO, un jeune dandy de Moungali, à la fois ami de Mavérick SIASSIA, Tierdo LHONI et Trudel BIKOUMOU ne pouvait être tenu en laisse dans ce courant.
Tous ces Clubs n’ont pas été cité pour garnir la page, je ne peux les énumérer tous, pour ne pas vous polluer la vue et d’ailleurs ce n’est pas le but recherché ici. Francos de part sa gentillesse et sa vie vertueuse, était comme une pieuvre, il avait des tentacules partout et vu que ce n’était pas un homme à problèmes, toutes les portes lui étaient ouvertes.
Tous ces Clubs ou ces Individualités avaient des affinités avec Francos. Il était tellement sympathique qu’il était accessible et ouvert à tout venant. Son aisance à s’adapter dans n’importe quel milieu, faisait de lui, l’Homme de toutes les générations. Son élégance incarnait le respect. C’était un Monsieur sans frontières, il n’avait aucun interdit relationnellement parlant. Si son élégance reflétait la beauté, son cœur dégageait la bonté et son aura était un aimant.
Je ne vous ai pas embarqué dans un labyrinthe mais c’est plutôt pour que vous comprenez mieux le Personnage, l’Homme et l’Être qu’il était, avec les mots qui sont les miens. Si j’ai pris le pari d’en dire un peu sur lui, bien que n’étant pas dans le secret du bon Dieu et sans me targuer de mieux le connaître, je n’apporte qu’une pièce au puzzle. Francos était comme ce slogan de l’Orchestre OK JAZZ qui disait : on rentre OK on sort KO. Quand tu l’as connu de loin sans l’avoir côtoyé, deux jugements peuvent se dégager: le rejet ; « ce Monsieur ne pense qu’aux habits » ou alors l’admiration « ce Monsieur est élégant, j’aimerais lui ressembler». Maintenant, quand tu l’as approché, et que tu as commencé à échanger avec lui, les préjugés tombent, c’est là où tu vois la nocivité des idées préconçues. Francos était une montagne de connaissances, son aisance à parcourir un bouquin en un laps de temps, faisait de lui un Bibliophile. Il lisait tout ce qui lui tombait entre les mains. C’était un Homme de culture. Je ne m’abstiendrai pas de dire que Francos était une légende. S’il est adulé par bon nombre de générations, au delà de son art vestimentaire, c’est que son fond dégageait autre chose. Sa longévité sans désamour avec les personnes de tout horizon, n’est point anodine. Si Francos a vécu plus de quatre vingts ans, cela était dû à son hygiène de vie, il se couchait tôt et était presque abstème. Il ne s’adonnait point à la concupiscence. Il n’était pas dans la mondanité. Il s’extasiait dans la Salsa, seule danse qu’il affectionnait et exhibait avec brio comme son ami de toujours Gomez De MAKANDA.
Nous venons de perdre un géant, un monstre sacré de l’esthète.
En tant d’années d’une relation commune, je ne lui avais trouvé qu’un seul défaut, c’est son goût immodéré de l’esthète, que je prendrais plus pour un péché mignon qu’autre chose.
Laissez moi me référer à la citation du Sage de l’Afrique : le Malien Amadou HAMPÂTE BÂ qui disait, je cite: « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». J ‘avais commencé un travail avec lui, qui a malheureusement aujourd’hui a un goût d’inachevé, le baobab est tombé, mais les racines restent.
Adieu cher Aîné, Adieu la Boussole, Adieu l’Artiste, repose en paix.